Les voyageurs en confinement : Lauriane, expatriée au Nicaragua
Aujourd’hui, je laisse la parole à Lauriane, qui habite au Nicaragua depuis septembre 2019, pour nous parler de la situation actuelle dans son pays de cœur… À ce jour, le Nicaragua n’a pris aucune mesure gouvernementale. Lauriane explique avec des mots justes quelles seraient les conséquences si rien n’est mis en place dans les jours et les semaines à venir…
– Peux-tu expliquer dans quel cadre tu es partie ?
Après un an de voyage, je me suis officiellement installée au Nicaragua en septembre 2019. Je suis donc, comme on le dirait dans le langage courant, une « expatriée ». Le Nicaragua, c’est mon pays de cœur. Je me sens Nicaraguayenne. Pour le moment, je travaille en tant que professeur de maternelle au lycée français de Managua. Je vis ici seule, toute ma famille est en France. Je suis venue dans l’idée d’acheter un terrain et de créer un projet pour les personnes en situation de handicap. Pour le moment, ce projet est évidemment mis sur pause…
– As-tu pensé rentrer en France ?
Oui, j’ai pensé rentrer. Mais assez rapidement, après en avoir discuté avec ma famille, j’ai décidé de rester au Nicaragua. Même si un bout de ma vie est en France (ma famille et mes amis), tout le reste est ici. Je ne souhaite pas quitter mon pays d’adoption. Qui plus est, je n’ai pas d’endroit où rentrer pour m’isoler, et je ne souhaite pas mettre en danger ma famille chez qui je devrais vivre. Je décide donc de rester ici, en pleine conscience de la situation.
– Quelle est la situation actuelle au Nicaragua ?
Le Nicaragua est un pays qui est durement touché depuis avril 2018 par une forte répression de la part de son gouvernement. Le Nicaragua est en crise depuis deux ans, et ce virus ne va pas arranger les choses, c’est certain. Depuis avril 2018, le pays souffre déjà du manque du tourisme dû aux évènements qui se sont déroulés. Je pense que le Nicaragua aura besoin de temps pour se relever. Ça sera difficile. Les nouvelles élections arrivent en 2021, mais le couple présidentiel ne compte pas lâcher le pouvoir.
Depuis quelques jours, nous avons deux cas confirmés de coronavirus. Ce sont deux hommes qui étaient en voyage respectivement au Panama et en Colombie, qui sont revenus au Nicaragua parce que les frontières sont toujours ouvertes.
Le gouvernement met-il en place des mesures ?
À l’heure actuelle, le gouvernement ne prend aucune mesure préventive. Les frontières restent ouvertes à qui veut rentrer, peu importe son pays de provenance. Il n’y a pas de quarantaine, pas de protocole spécifique à l’entrée sur le territoire, aucune mesure de confinement ou de fermeture d’école, d’université ou d’entreprise.
Le gouvernement prend le contrepied des recommandations internationales. Par exemple, des marches sont organisées à Managua pour promouvoir l’amour en temps de Coronavirus.
En fait, depuis avril 2018, l’État fait comme si tout allait bien. Ils continuent dans cette direction, malgré le virus, qui ne risque pas d’arranger la situation.
– Comment réagit la population ?
Certaines personnes se rendent compte de la gravité de la situation, d’autres ne comprennent absolument pas. C’est certainement à cause de la propagande de l’État selon laquelle on pourrait continuer à s’agglutiner tant qu’on se lave les mains.
Mardi soir, il y a eu le premier cas officiel de coronavirus. Ça a fait réagir la population. Certains ont pris des mesures et ont décidé de ne plus envoyer leurs enfants à l’école, de fermer leur commerce ou entreprise. En revanche, toutes les entreprises rattachées à l’État ont l’interdiction de suivre cette démarche.
Depuis mardi, il y a également une influence terrible dans les supermarchés. Tout le monde était agglutiné.
– Quels seraient les risques si le coronavirus prend de l’ampleur au Nicaragua ?
Tout d’abord, il faut se rendre compte que le système des soins de santé au Nicaragua est extrêmement précaire et que les hôpitaux privés coûtent cher. La quasi-totalité de la population n’a pas accès à de bons soins. De plus, si le virus se répandait ici, ça poserait un énorme problème parce que les gens vivent en famille. Tout le monde habite dans la même maison : les anciens, les tantes, les arrières grands-parents, les cousins, etc. Si le virus touche un membre de la famille, il se répandra d’autant plus vite.
– Ton mot de la fin ?
Merci de m’avoir laissé la possibilité de m’exprimer sur la situation au Nicaragua. J’aimerais vous faire passer un message : écoutez les recommandations internationales. Ma sœur est interne dans un hôpital en France et elle est catégorique : la situation n’est pas à prendre à la rigolade. C’est sérieux ce qu’il se passe. Tout le monde peut être victime de ce virus. Restez confinés, que vous soyez chez vous, dans votre pays d’adoption ou en voyage, peu importe. Je comprends que ça puisse être angoissant, je suis aussi dans cette situation, mais restez confinés en attente d’une réponse de l’ambassade.
Prenez soin de vous !
Si vous êtes au Nicaragua, vous pouvez me contacter via Instagram.
Merci Lauriane pour ton témoignage !
Note : J’ai discuté avec Lauriane ce samedi 21 mars 2020 et j’ai retranscrit son interview ce lundi 23 mars. La situation risque d’évoluer.
2 commentaires
Aude
Merci beaucoup de partager ces témoignages qui permettent de comprendre comment la situation évolue au bout du monde ! C’est très intéressant de voir les différences entre les pays et comment ils appréhendent l’arrivée du virus alors qu’en France nous sommes en plein dedans. Je me rend compte combien la politique d’un pays rend la situation difficile et ralenti les procédures… J’espère de tout coeur que la situation va évoluer positivement et que les mesures nécessaires seront mises en oeuvre pour protéger le peuple !
Océane
Exactement, merci pour ce gentil commentaire ! J’espère aussi que la situation va évoluer positivement…